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Loi sur la fin de vie : L’évolution sera marginale

Actualités du droit - Gilles Devers, 5/04/2013

Pour faire suite à ses engagements de campagne, François Hollande avait...

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Pour faire suite à ses engagements de campagne, François Hollande avait confié au Professeur Didier Sicard, ancien président du Comité National Consultatif d’Ethique, une mission sur l’accompagnement des personnes malades en fin de vie, destinée à éclairer sur les évolutions possibles de la loi Leonetti du 22 avril 2005 sur la fin de vie.  Après le dépôt du rapport, une suite est donnée sous forme d’une proposition de loi, dont le député Leonetti sera le rapporteur. On est à des années lumières de la « demande d’euthanasie ».9782100484751FS (1).gif

La loi restant très méconnue, et le sujet étant fort sensible, il faut toujours repartir de l'existant.  

I – Le droit existant

1/ Les principes de la relation de soin

Les principes de la relation de soin sont posés par l’article L. 1110-5  du Code de la Santé Publique.

« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ».

La loi poursuit :

« Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris ».

Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs.

Les actes déraisonnables sont non-professionnels, et donc fautifs.

2/ La lutte contre la douleurLivre - la fin de vie en débat.jpg

Le même texte pose comme principe la prise en charge de la douleur, qui est donc un devoir pour les médecins.

« Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée ».

3/ Le double effet : prodiguer des soins qui indirectement abrègent la vie

Vient ici l’article clé, le dernier aliéna de l’article L. 1110-5, qui régit le double effet : le traitement de la souffrance, qui peut avoir pour effet indirect d’abréger la vie, est licite. Cet article a été décisif, car il a fait tomber l’obstacle légal à la prise en charge de la douleur.

« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort. Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, mais aussi la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical ».

4/ Personne hors d’état d’exprimer sa volonté

Si la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin décide, selon les termes de l’article L. 1111-13.  

« Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin peut décider de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne, après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et consulté la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne. Sa décision, motivée, est inscrite dans le dossier médical ».9782865864713FS (1).gif

5/ Personne pouvant exprimer sa volonté

Le texte est l’article L. 1111-10 :

« Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical ».

Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs.

II – La proposition de loi

On entend beaucoup de choses à propos de cette évolution de la loi, mais je ne peux me situer que par rapport à ce qui est écrit. Des discours plus ambitieux que le réel, c’est parfois arrivé... alors soyons prudents.

Il s’agit d’ajouter un article L. 1110-5-1, ainsi rédigé :

« Toute personne en état d’exprimer sa volonté et atteinte en phase terminale d’une affection grave et incurable, dont les traitements et les soins palliatifs ne suffisent plus à soulager la douleur physique ou la souffrance psychique, est en droit de demander à son médecin traitant l’administration d’un traitement à visée sédative, y compris si ce traitement peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie selon les règles définies à l’article L. 1110-5.

« La mise en œuvre du traitement sédatif est décidée de manière collégiale. La demande formulée par le malade et les conclusions de la réunion collégiale sont inscrits dans le dossier médical. »

Lisons ensemble

Pas de commentaire sur la procédure, qui est classique :

-  la demande formulée par le malade ;9782873864309_1_75.jpg

-  la mise en œuvre du traitement sédatif est décidée de manière collégiale ;

- les conclusions de la réunion collégiale sont inscrites dans le dossier médical. 

Pour lire le reste, vous devez vous munir d’une loupe.

L’évolution concerne des personnes bien déterminées :

-   en état d’exprimer sa volonté ;

-   atteinte en phase terminale d’une affection grave et incurable,

- dont les traitements ne suffisent plus à soulager la douleur physique ou la souffrance psychique.

Ces personnes sont en droit de demander à leur médecin l’administration d’un traitement à visée sédative, y compris si ce traitement peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie.

La proposition écarte donc clairement l'acte euthanasique, dont le but est d’abréger la vie.

Pour le reste, je reprends l’article L. 1110-5 dernier alinéa, qui posait le principe des soins de fin de vie :

« Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, mais aussi la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un des proches ».

Où est l’évolution ?Sedation...fin-de-vie.jpg

L’exposé des motifs écrit que ce texte « vise à permettre le droit à la sédation pour les malades conscients ».

C’est une présentation erronée.

Ce qui est institué, c’est « le droit de demander » la sédation.

Le texte est clair : « Toute personne … est en droit de demander à son médecin. [...] La mise en œuvre du traitement sédatif est décidée de manière collégiale.

Ainsi, la décision reste médicale, et de plus, elle est doublement encadrée :

- la personne doit être en phase terminale et avec des traitements courants qui ne suffisent pas à soulager la douleur ;

- la décision est prise en respectant une procédure collégiale et réglementée par le Code de déontologie.

Donc : la personne demande, l’équipe analyse la situation, et le médecin accepte ou refuse selon que les conditions médicales sont réunies ou non. C'est un tout petit plus. 

Cette proposition sera-t-elle jugée suffisante ? Tout çà pour çà ? Le débat se poursuit…

PS. Je précise que cet article n’a aucun rapport avec la situation actuelle de la présidence de la République. 


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