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Tunisie : A qui profite le crime ?

Actualités du droit - Gilles Devers, 25/07/2013

A Tunis hier, Mohamed Brahmi, député de gauche, a été assassiné. Onze...

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A Tunis hier, Mohamed Brahmi, député de gauche, a été assassiné. Onze balles tirées à bout portant… Il était un opposant déclaré d’Ennahda, et les accusations se tournent vers Ennahda… Pourtant… Celui qui voudrait déclencher le soulèvement contre Ennahda et le processus révolutionnaire ne ferait pas autrement.

Cet assassinat est calculé pour frapper toute la Tunisie.

D’abord, l’’horreur devant la mort d’un démocrate, un vrai politique. Agé de 58 ans, il avait été élu député à Sidi Bouzid, le berceau de la révolution qui a renversé le régime de Ben Ali en 2011. Membre actif de l’Assemblée Constituante, c’était un homme en vue. Fondateur du Mouvement Populaire, Echaâb, il venait d’en démissionner ce 7 juillet, déclarant que sa formation avait été infiltrée par les islamistes, et il avait créé un nouveau parti.

Ajoutons que cet assassinat survient le jour du 56e anniversaire de la République, et en plein ramadan. Enfin, si le processus de transition a été bien long – nous sommes toujours sous la Constituante – cette phase est en train de prendre fin, avec la prochaine annonce de la Constitution et de la date des législatives.

Non, c’est assassinat ne doit rien au hasard.

Ennahda ? Ennahda reste fort, mais les critiques s’accumulent, et les raisons ne manquent pas face à la suffisance de ce parti qui veut tout contrôler, et dont l’islamisme militant est d’autant plus critiqué qu’il s’accompagne d’une incapacité à dessiner un projet économique et social. Le parti reste englué dans des méthodes d’un autre temps, et il se fait un tort considérable en laissant en bonne place des gens comme un Sahbi Atig, patron du groupe l'Assemblée Constituante, qui déclarait le 13 juillet dernière, en écho aux évènements d’Egypte : « À ceux qui piétinent la légitimité, si vous envisagez de la piétiner, elle vous piétinera, quiconque tente de tuer la volonté du peuple sera tué dans les rues de Tunisie ». Ali Larayedh, le chef du Gouvernement a dénoncé ces propos, et il est passé à autre chose…

Hier soir, les manifestants se sont regroupés sur la grande artère de Tunis, l’avenue Bourguiba où siège le ministère de l’Intérieur, avec des slogans bien clairs : «La Tunisie est libre, dégagez les Frères», «Ghannouchi assassin», «Ennahda doit tomber aujourd’hui», «l’Assemblée Constituante doit être dissoute». Les manifestants voulaient s’installer devant le ministre de l’Intérieur, et la police a dû les déloger. Ce n’est pas bon…  

L’UGTT, la principale centrale syndicale, a annoncé une grève générale pour ce vendredi. Ce sera un test sérieux, car l’UGTT, par son ancrage et ses réseaux, a une grande force en Tunisie.

Alors, après l’Egypte, la Tunisie prête à s’embraser ?

Le président Moncef Marzouki n’a pas tort de dire que si trop de temps a été passé, c’était aussi le prix pour la recherche du dialogue et du consensus politique. Mais ce temps a aussi été perdu, et rien n’a été fait pour se ressaisir du pouvoir économique. Des pans entiers de l’ancien régime sont restés en place, et le processus révolutionnaire parait velléitaire. Il suffit de passer un peu de temps en Tunisie pour voir que le mécontentement est réel, mais attention, les liens sociaux tiennent.

Et puis accuser Ennahda fait plus parler le cœur que la raison. Ennahda est en mauvaise posture, affaibli par les évènements d’Egypte, ceux de Syrie avec le retrait des Occidentaux, et par la disparition de ce fumeux leader qu’était le Qatar. Les élections s’approchent, et Ennahda a tout à perdre dans un pays fragilisé.

 

A qui profite le crime ? D’abord à ceux qui n’ont jamais admis la révolution.  

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