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Sarkozy empêtré devant une Libye compliquée

Justice au singulier - philippe.bilger, 13/03/2012

Je ne prétends pas que cette note, consultée par Mediapart, soit forcément et absolument fiable mais il y a trop d'incohérences, de prestance vaine et d'inconséquences dans cette entreprise pour que nous n'attachions pas la plus grande importance à ce qui nous rendrait un peu plus lisible cette Libye surprenante et si compliquée, avec peut-être un Nicolas Sarkozy empêtré dans ses secrets mais ne nous offrant que l'apparence, la surface des choses : est-il vraiment trop tard pour regarder derrière elles ?

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Personne ne va pleurer la mort de Kadhafi même si les circonstances de celle-ci ont été indignes. Personne n'ira déplorer la disparition de ce dictateur atypique même si l'état de la Libye aujourd'hui ne rassure guère sur son avenir.

Il y a eu tout de même, depuis la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007, des péripéties étranges et des revirements incongrus qui autorisent les interrogations sur le plan de la politique internationale et des droits de l'homme.

Le candidat d'alors s'était engagé à faire de la France un exemple et à offrir au monde un modèle de relations tout d'humanisme et de générosité. Notamment avec les Etats africains francophones.

On sait ce qui est advenu de ses promesses.

Jean-Marie Bockel, qui y croyait naïvement, honteusement dépossédé de son poste. Force est de reconnaître qu'il n'est pas rancunier puisqu'il soutient le candidat d'aujourd'hui.

Au cours de l'été 2007, libération des infirmières bulgares en Libye à la suite d'un processus où se sont trouvés impliqués à des degrés divers Nicolas Sarkozy, son épouse Cécilia, Claude Guéant, Brice Hortefeux et Ziad Takieddine.

Au mois de décembre 2007, réception fastueuse et scandaleuse du colonel Kadhafi ayant planté sa tente, avec désinvolture et arrogance, dans les jardins de l'hôtel Marigny.

Le 14 juillet 2008, le sanguinaire bourreau de son peuple, Bachar-el-Assad, est invité solennellement à participer à la célébration de notre fête nationale.

Au mois de mars 2011, le président de la République, avec l'aval de l'ONU qui a fixé des limites très précises à l'intervention internationale et bizarrement stimulé, aiguillonné par Bernard-Henri Lévy, comme s'il avait eu besoin de ce dernier pour placer la France au premier plan d'un conflit prétendu nécessaire, se campe dans l'attitude d'un chef de guerre avec les conséquences suivantes : l'assassinat de Kadhafi le 20 octobre 2011, le désordre et le chaos aujourd'hui.

J'avoue, même en ayant accepté un temps la validité de l'attaque préventive qui aurait évité un massacre quasi certain à Benghazi, avoir été tout de même surpris par cette frénésie présidentielle et cet enthousiasme belliqueux tendant à persuader notre pays que la Libye, parce que BHL se répandait partout en flattant le président, était devenue notre destin, notre gloire et légende de demain. Je devinais bien qu'il y avait forcément là comme une compensation à la misérable péripétie du mois de décembre 2007. Il fallait d'autant plus jouer "les gros bras" en 2011 que la France avait été humiliée en 2007 à cause de son président.

Une bombe vient d'être jetée dans le débat public. Je ne surestime pas la portée qu'elle aura même si en pleine campagne présidentielle on pourrait espérer que tout ce qui éclaire les obscurités troubles d'un quinquennat mérite d'être mis en évidence. Cette bombe n'est pas absurde si on veut bien retenir tous ces liens officieux, longtemps occultés, qui ont vu la France de Nicolas Sarkozy et la Libye de Kadhafi être "en affaires" comme on dit : contrats, armes, commissions, secrets d'Etat, etc.

On apprend que les modalités du financement de la campagne présidentielle de 2007 auraient été déterminées au mois d'octobre 2005 par Kadhafi, l'un de ses fils Saïf el Islam et Brice Hortefeux, ministre, notamment, des collectivités locales. 50 millions d'euros auraient été programmés et une banque suisse, ainsi qu'un compte à Panama, auraient été concernés.

Ces tractations ont été révélées par l'ancien médecin personnel de Ziad Takieddine et les notes de celui-ci qui aurait effectué rien moins que onze voyages en Libye en 2011 (Mediapart).

Fallait-il se moquer des menaces de Kadhafi et de ce même fils quand en 2011 ils affirmaient avoir financé la campagne de Nicolas Sarkozy ? La réaction outragée du président de la République questionné sur ce point par Laurence Ferrari sur TF1 l'a dispensé de répondre sur le fond de cette affaire, qualifiée de "grotesque".

Je ne prétends pas que la note de synthèse, consultée par Mediapart, soit forcément et absolument fiable mais il y a trop d'incohérences, de prestance vaine et d'inconséquences dans cette entreprise  pour que nous n'attachions pas la plus grande importance à ce qui nous rendrait un peu plus lisible cette Libye surprenante et si compliquée avec peut-être un Nicolas Sarkozy empêtré dans ses secrets et ne nous offrant que l'apparence, la surface des choses : est-il vraiment trop tard pour regarder derrière elles ?


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