Actions sur le document

Régis de Camaret condamné à 8 ans de prison pour viols

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 23/11/2012

Actualisation: L'entraîneur de tennis Régis de Camaret a été condamné vendredi par les assises du Rhône à 8 ans de prison ferme pour les viols de deux anciennes pensionnaires mineures de son club de Saint-Tropez il y a plus de … Continuer la lecture

Lire l'article...

Actualisation: L'entraîneur de tennis Régis de Camaret a été condamné vendredi par les assises du Rhône à 8 ans de prison ferme pour les viols de deux anciennes pensionnaires mineures de son club de Saint-Tropez il y a plus de 20 ans. L'avocate générale avait réclamé 10 à 12 ans de réclusion. La condamnation est assortie d'une interdiction définitive d'exercer une activité professionnelle en lien avec le tennis. L'ex entraîneur, qui comparaissait libre, a été arrêté à l'audience.  

Avant d'entrer dans la noirceur et la crudité du procès, peut-être faut-il d'abord rembobiner le film. S'arrêter au seuil de ces années 1980 où la moindre commune de France voulait son terrain et son club de tennis. Où ces femmes au visage triste assises aux premiers rangs du public avaient entre 13 et 17 ans et des rêves de championnes pleins la tête. Où le vieil homme aux cheveux blancs qui répond en hésitant aux questions du président promenait sur les courts du tennis club de Saint-Tropez sa silhouette de séducteur élancée et bronzée et commençait à se tailler une solide réputation de découvreur de talents dans le tennis féminin. Où l'une de ses élèves et enfant du pays, Isabelle Demongeot, faisait merveille dans les tournois depuis qu'elle lui avait été confiée et où une autre jeune fille de son école, Nathalie Tauziat, aussi brune que la première était blonde, n'allait pas tarder à se faire remarquer.

S'arrêter encore sur ces candidates qui affluaient de toute la France et tremblaient de ne pas être retenues pour un stage de plus ou moins longue durée dans le centre d'entraînement de Régis de Camaret. Qui acceptaient de se plier à la rude discipline instaurée par l'entraîneur - pas de sortie, pas de copains, pas de vie en dehors du tennis - tandis que leurs parents consentaient parfois de lourds sacrifices financiers pour les faire bénéficier de ses conseils. Qui devaient chacune mériter son attention et ses encouragements en étant meilleure que les autres. Copines de stage, voisines de chambre, certes, mais d'abord concurrentes, rivales, dans le regard de celui qui était là pour les jauger, Régis de Camaret.

Penser à tout cela et revenir à ces bancs de la cour d'assises du Rhône qui juge, depuis le jeudi 15 novembre, l'ex-entraîneur pour des viols et des tentatives de viols sur deux de ses anciennes stagiaires et regarder cette grappe chaque jour plus nourrie de femmes qui s'encouragent, se soutiennent et se consolent mutuellement. Le contraste est saisissant entre la solidarité blessée des adultes qu'elles sont devenues et la lourde solitude des adolescentes qu'elles ont été. Comme si les effusions publiques d'aujourd'hui devaient compenser la distance intime d'hier et leurs longs récits à la barre, les silences trop longtemps gardés.

Leurs mots sont accablants pour l'homme qui les fixe d'un air morne lorsqu'elles viennent déposer devant la cour. Toutes racontent peu ou prou la même histoire : dans leur chambre du centre d'hébergement sportif mal baptisé Le Refuge, dans le local à balles du club de tennis, dans la voiture qui les ramène de nuit des tournois, dans un hôtel à la veille des compétitions, les gestes déplacés, les caresses appuyées, les rapports sexuels imposés par un homme alors âgé d'une quarantaine d'années. Ces phrases murmurées - « je ne vais pas te faire de mal », « je vais t'apprendre la vie », « il faut me faire confiance », « c'est notre secret », « ne dis rien à personne » - et ensuite la honte, la peur d'être découverte, la certitude que chacune avait d'être la seule à subir ces assauts plus ou moins répétés, la crainte d'être chassée du centre, de voir leurs rêves de championne s'envoler et avec eux, les espoirs de leurs parents.

Dix-sept femmes se sont ainsi succédé à la barre des témoins, dont Isabelle Demongeot, par laquelle toute l'affaire a commencé. Pendant près de trois heures, elle a livré d'une voix lente un récit quasi clinique de ce qu'elle nomme « l'emprise » exercée sur elle par son entraîneur. Pour elle, a-t-elle raconté, tout a commencé dans une chambre d'hôtel à Paris où elle s'est retrouvée seule avec Régis de Camaret, la veille d'un championnat de France à Roland-Garros en août 1980. Elle avait tout juste 14 ans. « Il fallait faire des économies. Mes parents disaient que Régis de Camaret faisait des efforts en nous accordant des heures pour nous entraîner. Alors, on ne louait qu'une seule chambre. » Elle évoque son réveil la nuit, avec « une main, une tête, une langue, une moustache » sur son corps, son dégoût, son silence et sa soumission.

« Il s'était rendu indispensable à ma vie, il m'a enfermée dans un système. Je me disais que si je le quittais, mon tennis ne marcherait plus. » Cet « enfermement » a duré neuf ans. Isabelle Demongeot a 23 ans quand elle se décide enfin à se séparer de son entraîneur. Mais elle se tait toujours. « J'avais une carrière en jeu, je n'avais pas la force de me retrouver toute seule dans un combat judiciaire. »

Ce n'est qu'en 2005, après avoir enchaîné les thérapies, qu'elle consulte pour la première fois un avocat et apprend que les faits qu'elle dénonce sont tous prescrits. A la même époque, au hasard d'une rencontre sur un tournoi, elle découvre qu'une autre joueuse a porté plainte contre Régis de Camaret mais que la prescription lui a été opposée. « On se dit alors que s'il y en a eu une, puis deux, il y en a peut-être eu d'autres. Et qu'il faut les retrouver et surtout l'empêcher de continuer. »

Une nouvelle plainte est déposée car entre-temps, la loi a allongé à vingt ans le délai de prescription pour les viols. Et parmi la vingtaine d'anciennes élèves retrouvées par les enquêteurs qui disent avoir été victimes de Régis de Camaret, deux femmes, Stéphanie C. et Karine P. dénoncent des viols et des tentatives de viols susceptibles d'être encore poursuivis.

Elles sont aujourd'hui les seules parties civiles. Mais toutes les autres femmes ont été citées à la barre des témoins par le ministère public. De là naît un étrange procès par procuration, où les plus lourdes accusations ne sont pas portées par les parties mais par les témoins. Une disproportion susceptible de constituer un solide argument de plaidoirie pour la défense d'autant qu'en 2009, le dossier avait été jugé trop fragile par la chambre de l'instruction pour faire tenir des accusations de viols avant que l'arrêt ne soit cassé et qu'une nouvelle chambre d'instruction ne décide en 2011 le renvoi de l'entraîneur devant la cour d'assises.

Mais c'est compter sans l'attitude de l'accusé qui, depuis l'ouverture des débats, oppose des dénégations mal assurées, des remarques hors de propos ou des affirmations complaisantes sur le désir qu'il suscitait chez ses jeunes élèves. Mardi 20 novembre, face au désarroi d'une femme qui venait de témoigner, l'un des deux avocats de Régis de Camaret, Me Emmanuel Daoud a soudain semblé jeter l'éponge. « Je comprends les raisons pour lesquelles mon client dit que vous mentez. Mais je ne vous considère pas comme une menteuse. »

Verdict vendredi 23 novembre.

Lire également: Le soutien farouche apporté par Nathalie Tauziat à son ex entraîneur


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...