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Rocard et la misère du monde

Actualités du droit - Gilles Devers, 5/09/2015

J’ai eu hier un rendez-vous extrêmement important avec le futur président...

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J’ai eu hier un rendez-vous extrêmement important avec le futur président de la République (dans quelques années). Nous avons parlé du dossier du moment, c’est-à-dire de la chance extraordinaire donnée à l’Europe de pouvoir accueillir un million de personnes venues d’Orient, de quoi refonder toute notre politique diplomatique et économique, et recréer un centre du monde autour de la Méditerranée, avec une vraie culture des droits fondamentaux. Passionnant.

Mais au détour de cette discussion, j’ai vu que le futur président de la République se trompait sur la phrase de Rocard : « La France ne peut pas héberger toute la misère du monde ». Et comme j’avais eu il y a peu de temps un rendez-vous extrêmement important avec la future première ministre, qui faisait la même erreur, je vous propose une petite mise au point. Elle est importante, car elle montre que la Gauche molle est congénitalement xénophobe, calée sur les thèses lepenistes.

La légende de Rocard

La légende est que Rocard aurait déclaré : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit prendre fidèlement sa part ». Sauf que c’est faux. Il s’agit d’un rattrapage médiatique opéré sept ans plus tard, mais la véritable phrase était tout simplement : « La France ne peut pas héberger toute la misère du monde ».

- Tu veux dire qu’en 1989 Rocard tient le discours lepeniste « Immigration zéro, dégage les zarabes, dégage les pauvres » ?

- Oui, c’est tout à fait ça.

- Tu veux dire que la xénophobie est une longue tradition de la Gauche molle ?

- Oui, c’est tout à fait ça.

- Tu veux dire que cette fausse Gauche est pétrie de l’idée de sa supériorité, n’ayant jamais rompu avec le colonialisme ?

- Oui, c’est tout à fait ça.

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Assemblée nationale, 6 juin 1989

Tout commence avec un discours prononcé le 6 juin 1989 à l’Assemblée nationale (JOAN, page 1797). C’est le début du deuxième septennat de Mitterrand, et la Droite commençait à instrumentaliser l’Islam avec l’affaire du collège de Creil. Toute la presse était accro sur les « tchadors de Creil »... Jospin fonctionnait comme un laïciste dépassé, Chirac, puant, soufflait sur les braises, et Le Pen fixait la ligne. Pour Rocard, Premier Sinistre devant l’Assemblée, la seule solution était de stoper l'immigration, qui menaçait le pays : « Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles. Il faut résister à cette poussée constante». Le Pen applaudit, c’est parfait !

« 7 sur 7 », le 3 décembre 1989

Deuxième épisode lors de l’émission « 7 sur 7 » d’Anne Sinclair, le 3 décembre 1989. Rocard défend la politique de l'immigration zéro  : « Il faut lutter contre toute immigration nouvelle : à quatre millions… un peu plus : quatre millions deux cent mille étrangers en France, nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde : ce n’est pas possible. » L'étranger est un misérable, qui vient piquer dans notre assiette, et on n'en veut plus. Le Pen applaudit, c’est parfait !

Rocard insiste sur la nécessité d’expulser les « clandestins »,   de refouler tout nouveau migrant aux frontières, et il dénonce les abus du droit d’asile. Le Pen applaudit, c’est parfait !

Anne Sainclair revient sur cette notion de misère du monde, et Rocard explique, si à l’aise : « Les réfugiés, ce n’est pas une quantité statistique, c’est des hommes et des femmes qui vivent à Vénissieux, aux Minguettes, à Villeurbanne, à Chanteloup ou à Mantes-la-Jolie. Et là, il se passe des choses quand ils sont trop nombreux et qu’on se comprend mal entre communautés. C’est pourquoi je pense que nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde, que la France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique - nous sommes signataires de la Convention de Genève qui prévoit de donner accueil à tous ceux dont la liberté d’expression ou les opinions sont réprimées sur place - mais pas plus. » Vous avez bien lu : c'est la protection de la liberté d'expression, « mais pas plus »Donc, les réfugiés syriens, qui fuient la guerre mais ne sont pas persécutés du fait de leurs opinions, n'ont pas leur place en France, ce qui est le propos exacts du FN il y a 5 jours. Le Pen applaudit, c’est parfait !

Rocard se vante alors d'avoir refoulé aux frontières 66.000 étrangers en un an : « Il faut savoir – le chiffre n’est pas encore public, je peux le donner aujourd’hui – qu’en 1988, nous avons refoulé – refoulé ! – à nos frontières 66 000 personnes. 66 000 personnes refoulées aux frontières ! A quoi s’ajoute une dizaine de milliers d’expulsions depuis le territoire national. Voilà pour l’année 1988. Et je m’attends à ce qu’en 1989, l’année n’est pas finie, les chiffres soient un peu plus forts. Autrement dit, je ne peux laisser personne dire que rien ne se fait. Cette politique est dure, il n’est pas question qu’elle soit médiatisée, mais nous devons le faire pour maintenir la cohésion de la société française et pour pouvoir intégrer, insérer, dans des conditions décentes ceux des immigrés qui sont chez nous en situation régulière, et qui sont – Dieu merci ! – le plus grand nombre. Politique d'immigration zéro : Le Pen applaudit, c’est parfait !

Mais ça ne suffit pas. Rocard poursuit, en expliquant qu’il faut bloquer les étrangers aux frontières de l’Europe, le rêve de Ciotti et d’El Blanco : « Je veux annoncer aussi une intention diplomatique : vous savez qu’on discute en Europe de la libre circulation à l’intérieur de la Communauté. Nous sommes convenus, M. le président de la République et moi-même, qu’il fallait associer cette libre circulation des personnes dans la Communauté d’une installation aux frontières de la Communauté ou des quelques pays qui, entre eux, vont plus loin que les autres, de police ou de douane mixtes. Si nos frontières doivent se défendre contre l’immigration clandestine à celles de la Belgique ou de l’Allemagne ou peut-être un jour de l’Italie, ce sera en commun. C’est une inflexion de la politique, de la diplomatie, que nous suivons et c’est très important. C’est une des garanties, l’autre étant d’être très ferme sur l’expulsion des étrangers en situation irrégulière ». Protéger l’Europe blanche, et préserver la race... Le Pen applaudit, c’est parfait ! 

Assemblée nationale, 7 janvier 1990

Dans la brave poulaillerie socialiste, ça tousse un peu. Mais lors d’une réunion à l’Assemblée nationale le 7 janvier 1990, Rocard assume ce lepénisme tranquille : « Aujourd’hui, je dis clairement – je n’ai pas de plaisir à le dire, j’ai beaucoup réfléchi avant d’assumer cette formule – il m’a semblé que mon devoir était de l’assumer complètement : la France n’est plus, ne peut plus être une terre d’immigration nouvelle. Je l’ai déjà dit et je le réaffirme : quelque généreux qu’on soit, nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde. » Le Pen applaudit, c’est parfait ! 

Tout est donc bien clair. La politique PS, c’est immigration zéro, car il faut sauver notre société. Le rocardisme, c’est de la xénophobie d’Etat.

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En 1996, il faut sauver l’image du soldat Rocard

Rocard se fera allumer pour ses positions lepénistes, mais à maintes reprises il maintiendra son point de vue. En 1996, éreinté par son score catastrophique aux européennes, il a été dégagé de la tête du PS et a renoncé à ses lubies présidentielles. Il lui reste à tenter de sauver son image d’honnête homme. Le 24 août 1996, il publie dans Le Monde une tribune intitulée : « La part de la France », qui s’ouvre par ses mots : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part ». Petit malin…, tout petit malin...

La réalité est claire: c'est le PS rocardien défendant les thèses du FN, validant que la France doit se fermer aux étrangers, car ils menacent la société française. Je rappelle qu’El Blanco a démarré avec Rocard

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