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Only God Forgives : C’est Ségolène qui a raison

Actualités du droit - Gilles Devers, 5/06/2013

La violence peut être la matière de beaux films, et depuis toujours, elle...

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La violence peut être la matière de beaux films, et depuis toujours, elle est chez elle au cinéma. Mais si censurer n’a pas de sens, prendre des mesures pour protéger les enfants est logique, et c’est un devoir prévu par la loi. Ségolène Royal a eu bien raison de dénoncer les pseudos argumentaires d’Aurélie Filipetti, à propos de Only God Forgives.

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Le film

Ce film de Nicolas Winding Refn, avec chouchou Ryan Gosling, fait sa pub sur un thème bien clair : une violence rare. De ce point de vue, tout le monde reconnait la réussite… à faire quitter la salle. L’histoire : un fugitif gagne son fric en trafiquant la drogue à Bangkok, et ça part sur une brochette de meurtres, dans un contexte d'inceste et de vengeances sanglantes. Présenté à Cannes, le film a collé le gerbillon au jury, qui pourtant en a vu d’autres. Pour situer, je peux citer l’une des actrices, Kristin Scott Thomas, qui a rejeté cette violence, en expliquant : « Ce type de film n'est vraiment pas ce qui me correspond ».

Alors, il peut y avoir des amateurs, ce n'est pas le débat. La question est la diffusion du film pour les enfants de douze ans… et de la démission pure et simple de la « ministre ». Aurélie Filipetti, qui s’est faite chopper par Ségolène Royal, cherche à se planquer bien maladroitement derrière la commission machin-chose.

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Le système des visas  

La représentation des films cinématographiques est subordonnée à l'obtention de visas, selon une procédure définie par l’article L. 211-1 du Code du cinéma et de l'image animée : tous publics ou interdit aux moins de douze ans, moins de seize ans ou moins de dix-huit ans. S’ajoutent des hypothèses d’interdiction.

Le texte est bien précis sur les motifs : « Ce visa peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l'enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine ».

Le visa est délivré après avis de la commission de classification des œuvres cinématographiques, régie par le décret n°90-174 du 23 février 1990, modifié par le décret n°2001-618 du 12 juillet 2001.

La commission adresse au ministre un avis motivé, et les pouvoirs du ministre sont définis à l’article 4.

Le texte précise :

« Avant de statuer, le ministre a la faculté de demander à la commission un nouvel examen. Il transmet, dans ce cas, au président de la commission les motifs de cette demande ainsi que toutes observations utiles.

« La procédure prévue à l'alinéa précédent est obligatoire dans le cas où le ministre chargé de la culture envisage de prendre une décision comportant une mesure plus restrictive que celle qui a été proposée par la commission de classification ».

On résume:

- le ministre peut baisser la classification d’un film, et il n’a pas pour ce faire à demander un nouvel examen ;

- il peut demander un nouvel examen s'il l'estime nécessaire, par exemple la demande d’un producteur ou d’un distributeur, mais il doit alors motiver sa demande « avec toutes observations utiles »;

- ce nouvel examen n’est obligatoire que si le ministre envisage de prendre une décision plus restrictive que celle proposée par la commission.

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Alors, que nous raconte Aurélie ?

Dans un premier temps, la commission s’était prononcée sur une interdiction aux « moins de 16 ans », ce qui a un impact économique sérieux : distribution réduite, et non-diffusion sur les chaînes de télé classiques.

Le producteur a râlé car un film, c’est un plan busines.  La ministre explique qu’il a formé un  « recours », et qu’elle a du saisir la commission une seconde fois.

Bing, deux balourds !  A ce stade le producteur n’a aucun droit de recours. Tout au plus, il proteste, mais c’est tout. Et si la ministre veut baisser la protection, elle peut décider d’elle-même... mais il faut assumer…

La commission a revu le film, et a changé d’avis – proposant le passage de moins 16 à moins 10 – et la ministre indique alors qu’elle ne peut que suivre cet avis,.. ce qui est entièrement faux.

Et re-balourd ! La commission propose, mais c’est elle qui décide, ou alors, ce n’est pas la peine d’être ministre. La ministre explique qu’elle suit toujours les avis de la commission. Donc, c’est pas de se faute, mais de celle de la commission. CQFD.

Deux questions :

- Si la ministre valide toujours ce que dit la commission, à quoi sert la ministre ?

- Un ministre est garant de l’intérêt public, et en l’occurrence de la « protection de l'enfance et de la jeunesse » et du « respect de la dignité humaine ». Pourquoi refuse-t-elle d’exercer la mission que lui confie l’article L. 211-1 du Code du cinéma et de l'image animée ? 

Le message d'une ministre expliquant "ras le bol de la contemplation de la violence par des enfants de douze ans", c'eût été pas mal... 


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