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César, ceux qui sont exaspérés te saluent !

Justice au singulier - philippe.bilger, 4/03/2014

Saluons, en conclusion de ce billet, l'immense cinéaste qui vient de disparaître, Alain Resnais. Chaque année, il assistait aux César. Mais il en était loin ! César, ceux qui sont exaspérés te saluent !

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Je l'admets volontiers : tout n'est pas au même niveau.

Le dérisoire d'abord. Je bombarde de tweets l'équipe de Mots croisés qui les sélectionne, les trie et les publie. Manifestement elle n'avait pas la sagacité et la finesse des précédentes - les vacances ? - non seulement à cause de ma frustration narcissique de n'en avoir pas vu apparaître un seul mais surtout parce que les tweets élus étaient plus que basiques. Les sélectionneurs, à l'évidence, étaient dépassés par les joueurs. Je me suis retenu : je voulais titrer "tweet and shout" !

Du navrant ensuite. Denis Tillinac est malmené salement à ONPC le 1er mars par le duo Ruquier-Caron. Pourquoi attend-il le 3 mars pour réagir par écrit de manière convaincante dans FigaroVox alors qu'il aurait dû le faire avec vigueur oralement le samedi soir ? Ces petits personnages gagnent parce que par défaitisme ou une frilosité délicate on ne leur réplique pas sur-le-champ et avec le même registre.

Du plus grave par ailleurs. Selon un sondage CSA commandé par l'Institut pour la justice, 77% des Français ont une mauvaise opinion de la justice. Alexandre Giuglaris, délégué général de l'IPJ, analyse avec lucidité et pertinence ces résultats et les raisons de cette défiance. D'abord, clairement, la conséquence du très médiocre bilan ministériel de Christiane Taubira (FigaroVox). Celle-ci publie "Paroles de liberté" : si j'en juge d'après ce qu'on dit du livre (Jdd.fr, Le Monde), à nouveau apparemment une veine émotionnelle et une dénonciation du racisme. Pour faire pleurer et masquer l'absence de politique ?

Enfin, du ridicule et dévastateur à la fois. Je veux parler évidemment de la cérémonie des César.

Une fois dissipés les flonflons de la fête, on s'est demandé ce que valait vraiment celle-ci. Pour ma part, je n'ai pas été surpris. Chaque année, elle est un peu plus mauvaise. Elle décline inexorablement entre fausse allégresse et choix discutables.

Ce qui m'a frappé est le caractère pauvret de la soirée du 28 février. Pour ma part, je ne sauve que le propos paradoxal mais stimulant du président François Cluzet et l'animation gentille et vaillante - tant ce public assemblé est en même temps superficiel et blasé - de l'adorable Cécile de France qui ne pouvait pas à elle seule mettre du rythme et de la grâce dans cette lourde entreprise auto-promotionnelle où le cinéma français se contemple.

Comme ceux qui jugent sont incapables de nuancer, de distinguer et de hiérarchiser, par paresse on accable un Guillaume Gallienne et son film sous les compliments alors qu'il s'agit de tout sauf de cinéma et qu'en dépit de mes réserves pour un cinéaste complaisant et se regardant filmer, "La vie d'Adèle" aurait mérité d'être distinguée. Il est plus facile et plus commode de laisser penser à une supériorité indiscutée de l'une des oeuvres. Il serait épuisant d'être juste et d'avoir une discrimination intelligente. Il paraît que contre Kechiche les techniciens ont fait la loi !

Faut-il se moquer de ces remerciements répétitifs qui deviennent des occasions de rire plus que des moments d'émotion? Faut-il s'étonner de ces "remetteurs" cherchés au fond du panier artistique et dont certains sont à peine connus ? Faut-il dénoncer le rabais consistant à célébrer une Scarlett Johansson que j'adore comme actrice mais dont le parcours est mince et l'aura intellectuelle limitée : son discours était infiniment pauvre et conventionnel ! J'avais la nostalgie de Meryl Streep.

Eric Neuhoff avec causticité et justesse a écrit ce qui convenait de cette cérémonie au fond funèbre, comme toute représentation s'efforçant à l'esprit mais sans y parvenir jamais.

Je veux garder pour la bonne bouche, si j'ose dire, le César, comique sans le vouloir, donné au jeune acteur, au demeurant sympathique, dans le film "L'inconnu du lac" d'Alain Guiraudie. On se demande bien ce qu'un tel documentaire sur la drague homosexuelle, nudité, natation, fellations et copulations a à voir avec le cinéma véritable même si tout cela est inséré dans une intrigue policière à peu près aussi plausible et troublante que la série du regretté Pierre Mondy à la télévision. Après avoir vu ce morceau de corps à la plage, j'ai été effaré en lisant certaines des critiques du Monde, de Libération, des Inrocks, de Télérama, du genre "Guiraudie est un génie". Même de la part de Renaud Machart habituellement si mesuré et clairvoyant, vantant, sans rire, l'atmosphère hitchcockienne de l'histoire. Il y a des critiques qui sont devenus fous! Il est vrai qu'aujourd'hui qui s'aviserait de ne pas être enthousiaste devant un tel cinéma vérité - on ne vous épargne rien ! - serait immédiatement taxé d'homophobie!

Saluons, en conclusion de ce billet, l'immense cinéaste qui vient de disparaître, Alain Resnais. Chaque année, il assistait aux César. Mais il en était loin !

César, ceux qui sont exaspérés te saluent !


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