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La légalité de l’intervention militaire française en Centrafrique

Actualités du droit - Gilles Devers, 8/12/2013

Je n’aborde ici l’intervention de la France en Centrafique que sous l’angle...

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Je n’aborde ici l’intervention de la France en Centrafique que sous l’angle de la légalité. La résolution 2127 (2013) adoptée par le Conseil de sécurité le 5 décembre 2013 est un modèle du genre, et souligne a contrario ce qu’était l’illégalité du projet d’attaque de la Syrie,… au nom de la « punition », en imaginant pouvoir se dispenser d’une résolution du Conseil de sécurité, alors qu’il s’agissait de conduire une opération miliaire dans un Etat souverain.

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1/ La justification

Cette résolution 2127 (2013) est longue, motivée et détaillée, et elle s’inscrit dans une continuation de l’action entreprise, et de longue date, par l’ONU, spécialement avec le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA), qui assiste le gouvernement de transition, et la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX).

En droit, le problème est délicat, car il s’agit essentiellement d’une affaire d’ordre intérieur, mais alors que les autorités en place ne résultent d’aucun processus interne crédible. Aussi, le Conseil de sécurité s’appuie sur deux moyens : d’abord, il expose longuement comment il se situe dans le cadre d’un processus conduit par accord avec les si faibles autorités locales, et ensuite il souligne la gravité de la situation pour conclure davantage que « la situation en République centrafricaine constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales », ce qui lui permet d’agir dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui permet d’autoriser le recours à la force armée. La responsabilité de protéger les populations civiles, tellement truandée dans l’affaire de Libye, n’est pas même évoquée…

Tout comment par le rappel du principe intangible de la souveraineté :

« Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité de la République centrafricaine, et rappelant l’importance des principes de bon voisinage et de coopération régionale ».

Le Conseil affiche ensuite l’essentiel, la gravité de la situation :

« Se déclarant vivement préoccupé par l’état de la sécurité qui continue de se détériorer en République centrafricaine et se caractérise par l’effondrement total de l’ordre public, l’absence de l’état de droit et des tensions interconfessionnelles, se déclarant en outre profondément préoccupé par les incidences de l’instabilité de ce pays sur la région de l’Afrique centrale et au-delà, et soulignant à cet égard la nécessité d’une intervention rapide de la communauté internationale,

« Demeurant gravement préoccupé par la multiplication et l’intensification des violations du droit international humanitaire et les violations généralisées des droits de l’homme et exactions qui sont commises, en particulier par d’anciens éléments de la Séléka et des milices, en particulier celles connues sous le nom de « antibalaka », notamment les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les arrestations et détentions arbitraires, les actes de torture, les violences sexuelles sur la personne de femmes et d’enfants, les viols, le recrutement et l’emploi d’enfants et les attaques contre des civils ».

Et suivent trois pages denses, pour expliquer cette situation, en soulignant par maintes références, le consensus international.

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2/ Le plan d’action

La résolution n’a pas pour objet d’autoriser la France à conduire une opération miliaire. Non, elle définit un vaste plan d’action traitant tous les aspects de la reprise en main du pays, et elle autorise le déploiement d’une mission armée de l’ONU, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, la MISCA, sous conduite africaine. La France vient alors, comme appui à la MISCA. La force militaire française est donc décisive, mais juridiquement, ce n’est pas une intervention de la France, mais de l’ONU. Le droit international, ce n’est pas terre d’aventures…

Suivent encore d’autres précisions, car la mission de la MISCA est strictement définie, dans ses buts et moyens d’action.

« 28. Autorise le déploiement de la MISCA pour une période initiale de 12 mois après l’adoption de la présente résolution, décision qui sera examinée six mois après l’adoption de la présente résolution, prévoyant toutes les mesures nécessaires, conformément au concept d’opérations adopté le 19 juillet 2013 et revu le 10 octobre 2013, pour contribuer à :

« i) Protéger les civils et rétablir la sécurité et l’ordre public, en ayant recours aux mesures appropriées;

« ii) Stabiliser le pays et restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire;

« iii) Créer les conditions propices à la fourniture d’une aide humanitaire aux populations qui en ont besoin;

« iv) Soutenir les initiatives de désarmement, démobilisation et réintégration ou désarmement, démobilisation, réintégration et réinstallation ou rapatriement menées par les autorités de transition et coordonnées par le BINUCA;

« v) Accompagner les efforts nationaux et internationaux, menés par les autorités de transition et coordonnés par le BINUCA, visant à réformer et restructurer les secteurs de la défense et de la sécurité ».  

Le leadership politique est confié à l’Union africaine qui devra rendre compte de l’évolution, et du passage entre la MICOPAX et la MISCA.

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3/ Forces françaises

Ici, arrive la question française, et le Conseil de sécurité souligne que cette intervention se fait dans un large consensus :

« 49. Note que dans son communiqué du 13 novembre 2013, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’est réjoui du renforcement envisagé du contingent français pour mieux appuyer la MISCA et a encouragé la Commission à travailler à une coordination opérationnelle effective entre la MISCA et les forces françaises ».

La résolution définit alors le rôle des forces françaises, à savoir appuyer la MISCA dans l’exécution de son mandat.

« 50. Autorise les forces françaises en République centrafricaine à prendre toutes mesures nécessaires, temporairement et dans la limite de leurs capacités et dans les zones où elles sont déployées, pour appuyer la MISCA dans l’exécution de son mandat, énoncé au paragraphe 28 ci-dessus, prie la France de lui faire rapport sur l’exécution de ce mandat en République centrafricaine et de coordonner les modalités d’établissement de son rapport avec celles énoncées au paragraphe 32 ci-dessus s’appliquant à l’Union africaine, décide de revoir ce mandat six mois au plus  tard après qu’il aura débuté, demande aux autorités de transition d’apporter leur entière coopération au déploiement et aux opérations des forces françaises, notamment en assurant la sûreté, la sécurité et la liberté de mouvement de celles-ci, avec accès immédiat et sans entrave à tout le territoire de la République centrafricaine, et invite les pays voisins à prendre les mesures voulues pour soutenir l’action des forces françaises ».

En droit, le processus juridique, conduit dans le cadre vermoulu de la Centrafrique de 2013, est impeccable.

Bonne chance aux soldats. 

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