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Loi de séparation des Églises et de l'État

- Wikipedia, 4/02/2012

Page d'aide sur les redirections Cet article concerne surtout l'histoire de la loi. Pour ses implications, voir Laïcité en France et Histoire de la laïcité en France.

Loi de séparation des Églises et de l'État

Présentation
Titre Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État
Pays Drapeau de France France
Territoire d'application Drapeau de France France sauf Alsace-Moselle
Type Loi ordinaire
Adoption et mise en vigueur
Promulgation 9 décembre 1905
Entrée en vigueur 1er janvier 1906
Version en vigueur Version consolidée au 14 mai 2009

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La loi de séparation des Églises et de l'État est un événement important de la société française.

Adoptée à l'initiative du député socialiste Aristide Briand le 9 décembre 1905, qui prend parti en faveur d’une laïcité sans excès, elle est avant tout l’achèvement d’un affrontement violent, qui a duré presque vingt-cinq ans et qui a opposé deux conceptions sur la place des Églises dans la société française.

Elle remplace le régime du concordat de 1801, qui est toujours en vigueur en Alsace-Moselle pour des raisons historiques.

Sommaire

Contexte : une séparation douloureuse

Ce fut une lourde déception pour le clergé qui n'était plus payé par l'état depuis l'application de la loi.

Le cabinet de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau

Après Jules Ferry (années 1880), il se passe près de vingt ans sans véritable avancée dans les domaines de la laïcisation. Avec l'Affaire Dreyfus qui explose en 1898, la France se divise en deux camps : « dreyfusards » (parmi lesquels on trouve une partie de la gauche) et « antidreyfusards », parmi lesquels on trouve de nombreux hommes de droite et une grande partie de la hiérarchie militaire. Il serait cependant erroné de ramener l'Affaire Dreyfus à un affrontement entre gauche républicaine et droite cléricale et militariste (le premier défenseur de Dreyfus, le colonel Picquart, est un militaire catholique). La grâce présidentielle accordée à Dreyfus en septembre 1899 n'est qu'un compromis. L'Affaire, qui a vu l'explosion de l'antisémitisme et la polarisation de la société, conduit à un regain d'anticléricalisme à gauche.

En juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau forme le cabinet de Défense républicaine, qualifié par le camp nationaliste de « cabinet Dreyfus ». Waldeck-Rousseau s'abstient toutefois de prendre des mesures sur le plan religieux, mais promulgue la loi 1901 sur les associations. Celle-ci prévoit d’une part un régime de liberté pour la création des associations ; d’autre part que chaque congrégation devra être autorisée par une loi, et qu’elles pourront être dissoutes par un simple décret, selon l'article 14 de la loi. La plupart des congrégations (environ quatre sur cinq) se conforment à la procédure. Celles qui s’y refusent sont dissoutes en octobre 1901, mais la loi reste appliquée dans un premier temps de manière relativement libérale, d’ailleurs Waldeck-Rousseau informe le Vatican que les demandes d’autorisation seront examinées avec mesure. En janvier 1902, le Conseil d'État déclare que l’autorisation préalable nécessaire aux congrégations s’imposera désormais à toute école dans laquelle enseignent des congréganistes, quel que soit leur nombre.

Aux législatives de 1902, le Bloc des gauches, coalition républicaine, l'emporte et reprend l’œuvre entamée par Ferry. Émile Combes forme un nouveau gouvernement.

Le Petit père Combes

Article détaillé : Émile Combes.
Caricature parue dans Le Rire, 20 mai 1905. L'homme au milieu est Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, ministre de l'Éducation du cabinet Rouvier.

Son premier passage au gouvernement en 1895 comme ministre de l'instruction publique et des cultes lui permet de mettre en pratique ses convictions laïques. En 1902, Émile Combes, ex-séminariste devenu adversaire déterminé de la religion, est porté au gouvernement par une poussée radicale au terme d'élections qui se sont faites sur le thème pour ou contre le fait d'appliquer la loi de 1901 avec une vigueur accrue.

Combes ne cache pas dès son investiture sa volonté de mener une politique « énergique de laïcité ». Cette déclaration est suivie d’un durcissement des dispositions prises précédemment par Waldeck-Rousseau : les demandes d'autorisations sont refusées en bloc pour assurer définitivement la victoire du laïcisme anticlérical sur la mouvance attachée au catholicisme. Ainsi en juillet 1902, les établissements scolaires non autorisés (environ 3000) des congrégations autorisées sont fermés : cette mesure donne lieu à de nombreux incidents, toutefois principalement limités aux régions les plus catholiques (l'Ouest de la France, une partie du Massif central) et 74 évêques signent une « protestation ». Le gouvernement réplique en suspendant le traitement (salaire) de deux évêques.

Une nouvelle étape est franchie en mars 1903 : toutes les demandes d’autorisation des congrégations masculines sont rejetées. En juillet 1903, les congrégations féminines subissent le même sort, ce qui provoque des désaccords au sein même de la majorité républicaine, Waldeck-Rousseau reprochant même à Combes d’avoir transformé une loi de contrôle en loi d’exclusion. De fait, religieux et religieuses sont expulsés de France. Ceux qui résistent en prétendant au droit de rester dans leurs couvents sont expulsés manu militari, tels les Chartreux, que des gendarmes viennent tirer de leur retraite pour appliquer la loi d'interdiction. C'est ainsi que des milliers de religieux trouvent refuge dans des terres plus hospitalières : Belgique, Espagne, Royaume-Uni...

En fait, en 1902, huit propositions avaient été déposées, et Émile Combes, pour étouffer ces tentatives, crée le 11 mars 1903 une commission chargée d'examiner ces propositions et rédiger un projet de loi.

Sourd aux critiques émanant de la droite, indifférent aux appels radicaux de Clemenceau qui réclame la suppression pure et simple des congrégations, considérées comme prolongements du « gouvernement romain », en France, Émile Combes interdit l'enseignement aux congrégations, le 7 juillet 1904, et ainsi leur enlève également la possibilité de prêcher, de commercer, étant entendu que les congrégations enseignantes doivent disparaitre sous un délai de dix ans. Combes prépare ainsi la laïcisation complète de l'éducation publique.

La rupture des relations diplomatiques avec le Vatican (1904)

Émile Combes lui-même hésite à s'engager fermement pour la séparation des Églises et de l’État : en effet, les relations entre les Églises et l’État sont toujours régies en 1904 par le Concordat signé entre Napoléon Bonaparte et le pape un siècle plus tôt, et ce concordat permet au gouvernement de contrôler le clergé français en nommant les évêques. Combes craint de perdre ce contrôle sur l'Église en s'engageant pour la séparation, mais la suite des évènements ne lui laisse guère d'autre solution :

  • d'une part, en juin 1903, une majorité de députés décide qu'il y a lieu de débattre d'une éventuelle séparation et constitue une commission dont Aristide Briand est élu rapporteur ;
  • d'autre part, le pape Léon XIII meurt en juillet 1903, et son successeur, Pie X, n'a pas sa souplesse : les incidents entre la France et le Vatican se multiplient.

L’interdiction de l'enseignement aux congrégations provoque un conflit avec le pape qui entraîne la rupture des liens diplomatiques entre le gouvernement français et la papauté. Et l’on sent bien désormais qu'il n'y a plus qu'un pas à franchir vers la séparation. De plus, le projet mûrit rapidement, parce que le pape, directement touché par les mesures sur les congrégations qui dépendent de Rome, s'attaque nommément à Émile Combes.

La visite du président de la République Émile Loubet au roi d'Italie Victor-Emmanuel III que le Vatican refuse de reconnaître est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : le Vatican envoie des lettres de protestation antifrançaises aux chancelleries européennes. Lorsque le gouvernement français en a écho, en mai 1904, il rompt immédiatement les relations diplomatiques avec le Saint-Siège.

La fin des relations entre la République et la papauté rend le régime concordataire caduc : la séparation est donc urgente, et Combes s'y rallie : il propose un projet sans tenir compte des travaux de la commission Briand, mais il est déstabilisé et contraint à démissionner par le scandale de « l'affaire des fiches »: la ministre de la Guerre, le général André, avait utilisé des réseaux franc-maçons pour espionner les officiers et connaitre leurs opinions religieuses. C'est le successeur de Combes, Maurice Rouvier, qui va mener la séparation jusqu'à son terme.

Les travaux préparatoires

La commission Buisson-Briand

La commission est composée de trente-trois membres, dont dix-sept députés favorables à la séparation, tout juste la majorité. Elle est présidée par Ferdinand Buisson, son rapporteur est Aristide Briand. Ferdinand Buisson est le président de l'Association nationale des libres penseurs, célèbre pour son combat pour un enseignement gratuit et laïque, à travers la Ligue de l'enseignement ; également grand commis de l’État, proche de Jules Ferry, il a contribué à diffuser le substantif « laïcité », dérivé du vocabulaire théologique. Aristide Briand a quarante-trois ans, il est député depuis trois ans, est incroyant, mais tolérant. Il y a cinq membres exécutifs de l’association nationale des libres penseurs, ce qui inquiète les députés modérés.

On y voit l’affrontement avec les partisans d’une destruction complète de l’Église, comme Maurice Allard, Dejeante ou Sarraut, qui veulent contrôler l’Église par l’État, lui retirer ses biens, ou les gérer par un « conseil communal d'éducation sociale ». Briand et Buisson comprennent qu’une loi de conciliation est nécessaire pour éviter un affrontement désastreux.

Briand prend même contact avec des ecclésiastiques, la chute du combisme donnant du poids à ses idées. Maurice Rouvier arrive à la présidence du Conseil; peu au courant des questions religieuses, il reprend à son compte le projet de la commission pour trouver une solution. Aristide Briand présente le 4 mars son projet à la chambre. C’est un texte exhaustif qui comporte une longue partie historique, des études des situations des cultes catholique, protestant et israélite, une comparaison avec les législations d’autres pays et présente un projet synthétique. Il devient après discussion la loi française de séparation des Églises et de l'État.

L’action décisive du rapporteur Aristide Briand

Le nouveau projet de loi déposé dès la formation du gouvernement Rouvier s’inspire beaucoup du travail de la commission dirigée par Aristide Briand, dont le rapport a été déposé le 4 mars 1905. D’emblée, Briand déclare la « séparation loyale et complète des Églises et de l’État » comme réponse indispensable aux difficultés politiques qui divisent la France.

La tâche d’Aristide Briand s’annonce complexe : il va devoir convaincre une partie de la droite catholique que cette loi n’est pas une loi de persécution de l'Église, sans toutefois se montrer trop conciliant aux yeux d’une gauche radicale ou d’une extrême-gauche qui voudrait éradiquer le « bloc romain ».

Les intérêts et les enjeux sont compliqués, provoquant des débats houleux et passionnés : gauche et droite sont divisées, et il faut tout le talent d’orateur d’Aristide Briand pour réunir tout le monde autour d’un texte, au prix de quelques compromis. La chance d’Aristide Briand est que beaucoup dans l’hémicycle semblent avoir compris que la séparation était devenue inéluctable, et sa première victoire est due au fait qu’une partie de la droite catholique accepte de faire avancer le débat, non pas en tant que partisans de la séparation, mais pour obtenir des concessions qui rendront la séparation moins douloureuse pour les catholiques.

Aristide Briand a en effet bien conscience que si faire voter la loi est une chose, la faire appliquer en sera une autre, et qu’une loi de séparation, votée par la gauche et refusée par les catholiques serait inapplicable sur le terrain. C’est pourquoi il tient à montrer qu’on ne doit pas faire une loi « braquée sur l’Église comme un révolver », mais prenant en compte les remarques acceptables des catholiques.

La bataille de l'article 4

On peut considérer que la plus grosse pierre apportée à l’édifice de la séparation réside dans l’acceptation de l’article 4 de la loi, tant celui-ci aura été l’objet de craintes de part et d’autre de la Chambre des députés : c’est l’article qui doit dire à qui, dans le nouveau régime des cultes qu’est la séparation, reviendront les biens mobiliers et immobiliers de l’Église.

Les catholiques craignent que l’État ne veuille disloquer l’Église et provoquer des schismes, alors que les républicains redoutent que l’on donne un trop grand pouvoir au Vatican dans le choix des associations cultuelles aptes à bénéficier de la dévolution des biens de l'Église, et qui pourraient être basées à l’étranger. À force de compromis et notamment en déclarant que le pays républicain saura faire preuve de bon sens et d’équité, Aristide Briand accepte de revoir quelques formulations de l'article 4 proposé par Émile Combes. Le 20 avril 1905, il déclare à la Chambre:

« Nous n'avons jamais eu la pensée d'arracher à l'Église catholique son patrimoine pour l'offrir en prime au schisme ; ce serait là un acte de déloyauté qui reste très loin de notre pensée[1]. »

Alors que la première version de l'art. 4 prévoyait que les biens ecclésiastiques seraient dévolus à des associations de fidèles, sans précision, la nouvelle version, défendue à gauche par Briand et Jean Jaurès, dispose que ces associations cultuelles prévues par la loi se conformeront « aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice. »

Le catholique Albert de Mun, élu du Morbihan, se félicite de ce « grand coup de pic donné à la loi »[2], tandis que le sénateur Clemenceau bataille au contraire contre ce qu'il considère comme soumission au gouvernement romain[2]. Il traite Briand de « socialiste papalin » et accuse la nouvelle formulation de l'article de « [mettre] la société cultuelle dans les mains de l'évêque, dans les mains du pape »; « voulant rompre le Concordat, la Chambre des députés est demeurée dans l'esprit du Concordat (...) au lieu de comprendre qu'elle aurait pour premier devoir d'assurer la liberté de tous les fidèles, sans exception[2]. » Malgré cela, il vota la loi avec la majorité de la Chambre.

L'article 6 fit également l'objet de débats. La version originale prévoyait qu'en cas de conflit entre plusieurs associations cultuelles sur l'attribution des biens dévolus, les tribunaux civils trancheraient. Briand et Jaurès acceptèrent le souhait des anticléricaux de transférer l'arbitrage au Conseil d'État, plus dépendant du gouvernement.

Vote et promulgation de la loi

Enfin, et malgré des divergences assez fortes (l'esprit de compromis dont Briand a fait preuve n’ayant pas suffi à taire les craintes et les protestations des catholiques, et ayant même divisé une partie de la gauche radicale), la loi fut votée le 3 juillet 1905 par 341 voix contre 233 à la Chambre, et 181 pour contre 102 au Sénat.

Elle est promulguée le 9 décembre 1905 (publiée au Journal officiel le 11 décembre 1905).

Elle met fin à la notion de « culte reconnu » et fait des Églises des associations de droit privé. De plus l’article 4 organise la dévolution des biens des établissements religieux à des associations cultuelles.

La loi de séparation et ses conséquences

Première page du projet de loi de 1905

Le contenu de la loi

La nouvelle loi met fin au concordat napoléonien de 1801, qui régissait les rapports entre le gouvernement français et l'Église catholique. Inventant la laïcité à la française, elle proclame la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes.

Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes [...] ». Le premier article crée un large consensus. Le texte ne laisse que peu de marge pour son application, par les mots « assure » et « garantit ».
Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte [...] »

Par cette loi, l'État manifeste sa volonté de neutralité religieuse mais ne s'exonère pas de ses responsabilités.

Il veut « garantir » à chacun les moyens d'exercer librement sa religion, dans le respect d'autrui. C'est dans cet esprit que sont instituées des aumôneries dans les milieux fermés (casernes, lycées, prisons, hôpitaux...) et, plus tard, des émissions religieuses sur les chaînes publiques de télévision. L’État n'entend en aucune façon limiter la liberté de conscience.

La loi du 17 avril 1906 et le décret du 4 juillet 1912 ont confié la charge des 87 cathédrales au secrétariat d'État aux Beaux-Arts, devenu ministère de la Culture et de la Communication. Cette propriété s'étend à l'ensemble des dépendances immobilières et à la totalité des immeubles par destination et des meubles les garnissant. Le cadre juridique de l’aménagement intérieur des cathédrales a été analysé par Pierre-Laurent Frier, Professeur à l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), ancien directeur des études de l’École nationale du patrimoine[3] ; et la compétence du conseil municipal quant aux églises et aux biens qui y ont été installés a été traitée par Marie-Christine Rouault, doyen de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Lille II[4] à partir de l’arrêt du 4 novembre 1994 du Conseil d’État. Les édifices postérieurs à 1905 demeurent généralement propriétés des associations cultuelles, maîtres d'ouvrage lors des constructions.

Instituées par la loi de 1905, les associations cultuelles dont l'objet est l'exercice exclusif du culte sont de type 1901. Elles ne doivent pas avoir d'autres buts, notamment elles ne peuvent pas se livrer à des activités sociales, culturelles, éducatives ou commerciales. En revanche, elles disposent d'un avantage fiscal important, levier financier très appréciable. Elles peuvent recevoir des donations et des legs qui sont exonérés de droits de mutation. Ce sont les Préfets qui accordent, pour cinq ans, le statut d'association cultuelle. Il en existe un nombre important dans l'Hexagone. La religion catholique ne dispose volontairement que d'une association diocésaine, assimilée en droit français à une association cultuelle, par diocèse (correspondant à un département). L'évêque y joue un rôle prépondérant. Les associations diocésaines ont vu le jour dans les années 1920 lors de la normalisation des relations entre les autorités catholiques et l'État »[5].

Sur le plan domanial et financier, la loi a trois conséquences majeures :

  • Les ministres des Cultes (évêques, prêtres, pasteurs, rabbins…) ne sont plus rémunérés par l'État (art. 2) (alors qu’avant 1905 ce budget était de 40 millions de francs) et celui-ci n'intervient plus dans la nomination des évêques ;
  • Les établissements publics du culte sont dissous (art. 2) et remplacés par des associations cultuelles ayant pour objet exclusif de « subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte » (art. 18) ; ces dernières pourront recevoir le produit des quêtes et des collectes pour les frais du culte, mais elles ne devront en aucun cas percevoir de subventions de l’État, des départements ou des communes ;
  • Les biens religieux propriété de l'État ou des communes depuis 1789 le restent :
- L'État se réserve le droit de confier gratuitement les bâtiments de culte aux associations cultuelles (art. 13) ;
- Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d'une affectation charitable ou d'une toute autre affectation étrangère à l'exercice du culte sont attribués aux services ou établissements publics ou d'utilité publique, dont la destination est conforme à celle desdits biens (art. 7) ;
- L'État reprend, à partir du 9 décembre 1907, les archevêchés et évêchés et, à partir du 9 décembre 1910, les presbytères, les grands séminaires et la faculté de théologie protestante (art. 14).

La loi de séparation prévoit ainsi un inventaire des biens mobiliers et immobiliers (art. 3) des établissements publics du culte avant que soit confiée aux associations cultuelles la partie des ces biens nécessaire au culte. Dans les faits, cet inventaire se fera de façon estimative (Voir la section « La tourmente des inventaires »). Les inventaires seront interrompus par Clemenceau à la suite d'incidents entre population et forces de l'ordre.

Une loi rejetée par le Vatican

Si le vote de la loi contribue à apaiser les esprits, elle est cependant violemment critiquée par Pie X (Vehementer nos), qui s'oppose au principe de la loi, condamne la rupture unilatérale du concordat, proteste contre les nouvelles spoliations et refuse catégoriquement la mise en place des associations cultuelles qui ne respectent pas l’organisation hiérarchique canonique catholique avec les fonctions ministérielles respectives de l’évêque et du curé qui en découlent (Gravissimo Officii Munere, août 1906). Une partie du clergé français (Mgr Louis Duchesne) appuie cependant la loi, tandis qu'une autre partie de la droite catholique s'y oppose violemment (notamment la nouvelle Action française). Les juifs et les protestants (Wilfred Monod), quant à eux, font bon accueil à la loi.

L’épisode des inventaires qu’elle inclut se révèle être le dernier épisode douloureux qui place une fois de plus la France au bord de la guerre civile. En effet, la loi de la séparation entraîne la résistance décidée de Rome, qui interdit aux catholiques de l'accepter et condamne une loi qui a mis fin de façon unilatérale au concordat. En réalité, du fait du refus de la création des associations cultuelles, les frais de réparation très coûteux des édifices religieux (cathédrales, églises...) préexistants à la loi de 1905 restent à la charge de l'État et des communes, ce qui rend le bilan financier finalement moins négatif pour l'Église catholique (paradoxalement, les protestants, qui ont accepté la loi, sont moins favorisés), mais ceci ne sera visible que bien plus tard. D'autre part, les ministres du Culte et en particulier les évêques gagnent en indépendance, n'étant plus ni salariés ni logés par l'État.

Les bibliothèques des paroisses, évêchés et séminaires sont également annexées par l'État. Confiées à différentes bibliothèques publiques, elles contribuent à enrichir leurs fonds en ouvrages parfois rares ou précieux, portant surtout sur les questions religieuses, mais pas seulement.

Parmi les autres mesures d'apaisement figurant dans la loi, l'État assure le salaire des prêtres recrutés comme fonctionnaires avant 1905 pendant quatre ans. Il les indemnise ainsi de leur perte de statut et facilite la transition.

La tourmente des inventaires

Article détaillé : Querelle des inventaires.

Les inventaires des biens de l'Église suscitent des résistances dans certaines régions traditionalistes et catholiques, notamment l'Ouest de la France (Bretagne, Vendée), Flandre et une partie du Massif central. Des manifestations s'y opposent, tandis qu'une circulaire de février 1906 dispose que « les agents chargés de l’inventaire demanderont l'ouverture des tabernacles », suscitant l'émotion des catholiques. Le 27 février 1906, des heurts ont lieu dans la commune de Monistrol-d'Allier[6]. Le 3 mars, lors de la tentative d'inventaire faite dans la commune de Montregard, un habitant est grièvement blessé ; il décèdera le 24 mars. Le 6 mars, à Boeschepe (Nord), un autre inventaire se termine par un décès. Le 7 mars 1906, le cabinet Rouvier tombe sur cette question, laissant la place à Ferdinand Sarrien.

Celui-ci confie le ministère de l'Instruction publique à Briand, qui exige que Clemenceau entre dans le gouvernement afin de l'avoir avec lui plutôt que contre lui. Devenu ministre de l'Intérieur, le « Tigre », notoirement anticlérical, joue l'apaisement, mettant fin à la querelle des inventaires par une circulaire de mars 1906 invitant les préfets à suspendre les opérations d'inventaire dans le cas où elles doivent se faire par la force alors qu'il ne reste plus que 5 000 sanctuaires, sur 68 000, à inventorier.

Une France divisée avant l’apaisement

Manifestation devant Notre-Dame des Champs.

L’épisode des inventaires a été le dernier pic de tension importante entre catholiques et républicains, bien que le conflit ait perduré, sur d'autres aspects, jusqu'à l'entre-deux-guerres, apaisé seulement par le compromis trouvé entre Pie XI et la République, en 1924, via la création des associations diocésaines, le Pape se refusant toujours à accepter le principe des associations cultuelles qui niaient le rôle canonique de l'évêque dans l'organisation catholique.

On comprend alors que les cicatrices résultantes de ce douloureux divorce entre Église et État ont mis des années à se refermer : ce fut en quelque sorte la mission du gouvernement suivant, mené par Armand Fallières (président de la République), Georges Clemenceau (président du Conseil de 1906 à 1909) et Aristide Briand (ministre de l'Instruction publique et des Cultes).

Le gouvernement Clemenceau

Le sujet prioritaire du cabinet Clemenceau, formé en octobre 1906, demeure l'application de la loi de séparation des Églises et de l'État, fermement condamnée par Pie X (Vehementer nos). Cela soulève de nouveaux débats, le Vatican faisant tout pour empêcher la formation des associations cultuelles auxquelles sont censées être dévolus les bâtiments nécessaires à l'exercice du culte.

Attaqué par Maurice Allard, Aristide Briand, maintenu à l'Instruction publique et aux Cultes, rétorque le 9 novembre 1906 en rappelant que la loi de séparation est une loi d'« apaisement », et prétendant que l’État laïque « n’est pas antireligieux » mais areligieux[7]. Si la loi n'est pas appliquée d'ici décembre 1907, Briand déclare qu'il s'appuiera sur la loi de 1881 sur les réunions publiques afin de maintenir la possibilité d'un exercice légal des cultes. Par circulaire du 1er décembre 1906, il précise qu'une déclaration annuelle doit suffire à cet exercice. Le 11 décembre, le Conseil des ministres rappelle qu'en cas de non-déclaration (annuelle), les infractions seront constatées: l'intransigeance pontificale menace de créer un « délit de messe ». Mgr Montagnini, à la tête de la Nonciature apostolique de la rue de l’Élysée, est expulsé en étant accusé d’inciter au conflit.

Le 21 décembre 1906, un nouveau débat, durant lequel Briand accuse le Vatican de préconiser l'intransigeance afin de réveiller « la foi endormie dans l'indifférence », aboutit à la loi du 2 janvier 1907 qui vise à rendre impossible la sortie de la légalité des catholiques « quoi que fasse Rome »[8]. Par cette loi, d'un côté, l'État, les départements et les communes recouvrent à titre définitif la libre disposition des archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires ; et de l'autre, la loi ouvre la possibilité de donner la jouissance d'édifices affectés à l'exercice du culte à des associations loi 1901 ou à des ministres du culte déclarés.

Le Pape la dénonce à nouveau, le gouvernement parle d'« ultimatum »... et finalement, par la loi du 28 mars 1907, autorise les réunions publiques, sans distinction d'objet, et sans déclaration préalable. Par ailleurs, plus de 30 000 édifices sont mis gratuitement à la disposition des Églises, et les sonneries de cloches explicitement autorisées. D'une manière générale, la jurisprudence administrative légitime les manifestations publiques qui satisfont à des traditions locales et à des habitudes (enterrements religieux, etc).

La position d'apaisement du gouvernement est confirmée par la loi du 13 avril 1908, qui considère les églises comme des propriétés communales et prévoit des mutualités ecclésiastiques (pour les retraites, etc.)[8]. Le dialogue avec le Vatican ne reprendra qu'après-guerre pour aboutir, en 1924, au compromis, élaboré par Pie XI et le gouvernement, des « associations diocésaines »[8].

L'après-guerre

Article détaillé : Histoire de la laïcité en France.

C’est à l’occasion de la Première Guerre mondiale que la question religieuse est reléguée au second plan et que l’« Union sacrée » rassemble une France unie sous la bannière tricolore. Au sortir de la guerre, le gouvernement décide tout à la fois de transférer au Panthéon de Paris le cœur de Gambetta, illustre fondateur de la République, et d'honorer le souvenir de Jeanne d'Arc en proclamant fête nationale le deuxième dimanche de mai.

Les relations diplomatiques sont rétablies avec le Vatican, dont le nouveau pape Benoît XV se montre autrement plus conciliant que Pie X, notamment en promettant de consulter Paris avant la nomination des évêques. De son côté, l'État français concède aux associations diocésaines placées sous l'autorité des évêques le statut d'« associations cultuelles » : autrement dit, il reconnaît les évêques comme des interlocuteurs légitimes. L'Alsace et la Lorraine rattachées à nouveau à la France sont maintenues dans le statut de Concordat qu’elles avaient en 1870, lors de l’annexion à l’Empire allemand. L’anticléricalisme militant décline et finit par s’éteindre.

La querelle religieuse menace de se rallumer après le succès du Cartel des gauches aux législatives du 11 mai 1924. Ce dernier décide en effet, dans un premier temps, d'étendre la loi de 1905 à l'Alsace-Lorraine. Les élus des trois départements concernés s'y opposent. Les évêques mobilisent les catholiques avec le concours du général de Castelnau, à la tête de la Fédération nationale catholique, et le gouvernement d'Édouard Herriot renonce à remettre en cause les arrangements antérieurs. L'anticléricalisme militant finit par décliner cependant que les Églises retrouvent, avec leur liberté, une nouvelle vigueur.

Bilan et perspectives

Conséquences immédiates

Le vote et l’application de la loi de séparation ont été les dernières étapes du mouvement de laïcisation et de sécularisation engagé en 1789. Le 9 décembre 1905 est une date capitale qui met fin au concordat napoléonien, mais aussi et surtout à l’antique union entre l’Église catholique de France et le pouvoir politique : cette loi de séparation invente la laïcité à la française.

Afin de gérer le patrimoine mobilier des lieux de culte, les conservations des antiquités et objets d'art ont été créées dans chaque département, par le décret du 11 avril 1908.

Cas de l'Alsace-Moselle

Article détaillé : Concordat en Alsace-Moselle.

L'Alsace et la Moselle n’étant pas françaises au moment de la promulgation de la loi, celles-ci ont encore aujourd’hui un statut spécial, sorte de dernier héritage du concordat, les évêques, les prêtres, les rabbins et les pasteurs étant toujours assimilés à des fonctionnaires et l'entretien des bâtiments payé par l'État. L'enseignement religieux dans les écoles publiques est également préservé.

Réformes récentes

En 2000, l'article 30 interdisant l'enseignement religieux pendant les heures de classe dans les écoles publiques est abrogé (ordonnance 2000-549 du 15 juin 2000, article 7-24).

En 2003, la loi subit un changement en ce qui concerne le port de signes religieux ostensibles à l'école. Cette suggestion a provoqué de nombreuses critiques dans certains milieux politiques français, qui craignent un retour à une union de l'État et de la religion, réintégrant ainsi la religion dans le domaine public.

En 2004, à la veille de la célébration du centenaire de la loi fondant la laïcité républicaine, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Économie, et sortant de son poste de ministre de l'Intérieur et des Cultes, s'interroge, dans un livre intitulé La République, les religions, l'espérance, sur une possible modification de la loi, sans toutefois remettre en cause ses fondements.

Il propose de donner à l'État les moyens de pouvoir contrôler efficacement le financement des cultes, en particulier le culte musulman, financé actuellement en grande partie par des puissances islamistes proches et moyen-orientales. Ce contrôle permettrait, d’après lui, de libérer le culte musulman français de la tutelle extrémiste et ainsi de pouvoir limiter les dérives extrémistes et terroristes au sein des mosquées françaises. Ce contrôle impliquerait comme effet secondaire des facilités accordées par l'État en matière de formation des agents des cultes, en mettant par exemple à disposition des enseignants pour les matières non religieuses pour la formation des prêtres, pasteurs ou imams.

Notes et références

  1. Michel Winock, Clemenceau, éditions Perrin, 2007, p.317
  2. a, b et c Michel Winock, Clemenceau, éditions Perrin, 2007, p.318-319
  3. Les Petites Affiches n° 111, 16 septembre 1994
  4. in : Les Petites Affiches n° 11 du 25 janvier 1995
  5. Les Échos, 8 septembre 1998
  6. Jean-Michel Duhart, op. cité
  7. Michel Winock, Clemenceau, 2007, p. 346
  8. a, b et c Winock, 2007, op. cit., p. 346 sq.
  • Jean Sevilla, Quand les catholiques étaient hors la loi, France, Perrin, février 2005, 332 p. (ISBN 2-262-02196-1) 

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Bibliographie

  • Jean Marie Mayeur, La Séparation de l'Église et de l'État, Paris, Colin, Collection « archives Julliard », 1998. Réédité avec compléments aux Éditions de l'Atelier, en janvier 2005.
  • Jean Baubérot, Laïcité 1905-2005, entre passion et raison, Le Seuil, Paris, 2004.
  • André Damien, Yves Bruley, Dominique de Villepin et Jean-Michel Gaillard, 1905, la séparation de l'Église et de l'État : Les textes fondateurs, Librairie Académique Perrin, Paris, 2004.
  • M. Larkin, L'Église et l'État en France, 1905: la crise de la séparation, Privat, Toulouse, 2004.
  • Jean Sévilla, Quand les catholiques étaient hors la loi, Paris, Librairie Académique Perrin, 2005. ISBN : 2262021961
  • Jean-Paul Scot, Comprendre la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'État Points Seuil 05/2005
  • Jean-Michel Ducomte, La loi de 1905, Quand l'État se séparait des Églises, Toulouse, Milan, collection « Les Essentiels », 2005.
  • M. Tacel, Restaurations,révolutions,nationalités (1815-1870), Masson, 1990.
  • F. Demier, La France du dix-neuvième siècle 1814-1914, Paris, Seuil, « point histoire », 2000.
  • Marc Villemain, L'esprit clerc - Émile Combes ou le chemin de croix du diable, Fondation Jean-Jaurès, 1999.

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