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Affaire Suzanne Viguier

- Wikipedia, 12/09/2011

L'affaire Suzanne Viguier est celle de la disparition le 27 février 2000, d'une femme de 38 ans, Suzanne Blanch, épouse de Jacques Viguier, professeur de droit à l'Université Toulouse 1 Capitole. Suite aux déclarations d'Olivier Durandet qui s'est présenté comme l'amant de Suzanne, des soupçons ont conduit la police à mettre en cause son mari, Jacques. Un premier procès, en avril 2009, a abouti à l'acquittement de Jacques Viguier et une deuxième fois en appel, en mars 2010.

Sommaire

Historique

Suzanne et Jacques Viguier se sont mariés le 20 août 1988. Au début de l'affaire, ils ont onze ans de mariage. Suzanne est professeur de danse. Elle règle des chorégraphies et monte des spectacles de cabaret[1]. Il est professeur de droit à l'université. Ils ont trois enfants, Clémence, 11 ans à l'époque, et ses deux frères jumeaux, Guillaume et Nicolas, 8 ans. Ils vivent dans un pavillon de la banlieue toulousaine et font chambre à part[2]. Jacques a des maîtresses et Suzanne aurait un amant, Olivier Durandet, selon les affirmations de ce dernier, 31 ans, vendeur de matériaux de construction. Jacques Viguier affirme n'avoir découvert que « le 10 mars 2000, en garde à vue » la nature de la relation entre Suzanne et Olivier[3], ce que confirme Olivier : « Il sait que je suis le confident de Suzy, pas que je suis son amant »[4]. Jacques Viguier précise : « Olivier était avenant, il faisait des plaisanteries, essayait d'être ami avec toute la famille » ; il lui aurait même confié à quelques occasions la garde de ses enfants[5]. Le père de Jacques Viguier dresse de celui qui se revendique amant de Suzanne un portrait de profiteur, parasite, pique-assiette. Il a pour lui le qualificatif d'« écornifleur » et observe que « sous ses airs patelins de bon gros Raminagrobis, il a influencé les témoins et les policiers. »[6].

  • Dimanche 27 février 2000 à 4 heures 30 : Olivier, qui est entré dans la vie de Suzanne en 1998, déclare l'avoir vue pour la dernière fois ce 27 février 2000 à 4 heures 30 du matin, de retour d'un concours de tarot.
  • Matinée avant 10 heures : Jacques aurait vu son épouse étendue sur le clic-clac de la chambre d'ami, sans cependant avoir vérifié si c'était elle, mais leur fille aurait été couchée sur le même lit[1],[7].
  • 10 heures : le père de Jacques vient chercher les trois enfants[1].
  • 10 h 45, Jacques appelle ses parents pour annoncer un éventuel retard. Un repère chronologique qui va compter dans cette affaire[1].
  • 13 h 45 : c'est l'heure à laquelle le réveil de Suzanne est calé pour sonner. Olivier affirme que c'est l'heure à laquelle Suzanne devait l'appeler, c'est pourquoi elle aurait mis le réveil.
  • Le dimanche soir, Jacques rentre chez lui et déclarera avoir trouvé la porte fermée à clé.
  • Le lundi, les deux hommes font une inspection de la maison, constatent que les lunettes de Suzanne sont là avec le collyre pour les lentilles, pas les lentilles. La robe et les bijoux qu'elle portait pour jouer au tarot sont à l'intérieur. L'alarme du réveil est calée sur 13 h 45.
  • Mardi 29 février : tandis que Jacques est parti avec ses enfants, Séverine Lacoste, une baby-siter, se rend au domicile des Viguier, et Olivier Durandet en profite pour s'introduire dans la maison[8]. Cette information est cachée jusqu'au procès en appel (voir plus loin section subornation de témoin).
  • 1er mars 2000 : Jacques signale la disparition quelques heures avant qu'Olivier Durandet ne vienne faire la même chose.
  • 10 mars 2000 : Jacques est placé en garde à vue.
  • 13 mars au matin : deux policiers déposent aux objets trouvés de Toulouse le portefeuille de Suzanne qu'ils déclarent avoir trouvé sur la voie publique. Aucun rapprochement n'est fait avec la disparition[9].
  • 11 mai 2000, le juge décide d'une mesure de détention provisoire.
  • 15 février 2001 : Jacques Viguier est remis en liberté, soit après neuf mois d'incarcération.

Parties civiles

Face à la défense, les parties civiles sont divisées :

  • Claude Petit, la mère de Suzanne, est représentée par Laurent de Caunes. Elle est convaincue que son gendre est innocent.
  • Clémence, Nicolas et Guillaume, les trois enfants du couple, assistés par Bérengère Froger, soutiennent de manière indéfectible leur père.
  • Hélène Blanch, la sœur cadette, et Carole, la demi-sœur de Suzanne, représentées par Francis Szpiner et Guy Debuisson[10], sont convaincues de la culpabilité de leur beau-frère.

Accusateurs

  • Olivier Durandet, qui revendique le terme de « compagnon » de Suzy, quoiqu'il n'ait pas vécu avec Suzanne Viguier[11],[12].
  • Robert Saby, commissaire de police chargé de l'enquête[13].

Premier procès

La date du premier procès fait l'objet d'une polémique. Une ordonnance de renvoi des audiences est rendue le 4 décembre 2008 par Jean-Louis Cousté, président de la Cour d'assises de la Haute-Garonne. La demande a été présentée par la défense, en raison de l'état émotionnel de l'accusé, mais le président a estimé que les aspects d'organisation suffisaient à justifier le report[14].

Jacques Viguier a Henri Leclerc et Georges Catala comme avocats[15].

Verdict

Le jeudi 30 avril 2009, Jacques Viguier est acquitté. Le lundi 4 mai 2009, le Procureur général de la Cour d'appel de Toulouse interjette appel du verdict de la Cour d'assises de la Haute-Garonne[16].

Procès en appel

Le 2 mars 2010, le procès en appel de Jacques Viguier s'ouvre aux Assises du Tarn, à Albi, sous la présidence de Jacques Richiardi, « remarquablement organisé sur le plan matériel par le procureur de la République d'Albi, Jean-Christophe Muller »[17].

L'avocat général, Marc Gaubert, qui avait déjà requis lors du premier procès, déclare : « Je maintiens mes réquisitions de quinze à vingt années, je n'ai pas d'éléments pour les coups et blessures involontaires ayant provoqué la mort sans intention de la donner. » Ces réquisitions interviennent dans une affaire où « il n'y a ni corps, ni preuves, ni aveux dans [le] dossier, où l'existence d'un crime n'est pas même avérée. »[18]. Selon Le Figaro, « le réquisitoire, vendredi, est apparu comme décousu et trivial, ce qui n'est pas le pire des péchés. Mais, en refusant de trancher nettement entre le meurtre et les coups mortels, en réclamant la même peine qu'en première instance sur le fondement d'une démonstration inexistante, l'avocat général a donné l'impression de se décharger de toute responsabilité sur les jurés »[17].

Jacques Viguier a pris comme avocats Jacques Lévy et Éric Dupond-Moretti. Ce dernier a indiqué que « ce procès est devenu un concours Lépine de l’hypothèse »[19]. Comme au premier procès, l'accusé a pu compter sur le témoignage de ses enfants qui sont convaincus de son innocence.

Le samedi 20 mars 2010, avant que le jury se retire pour délibérer, vers 10h45, Jacques Viguier a déclaré : « Je viens de vivre dix ans d'horreur et de chemin de croix. J'espère que ces débats qui ont été longs et douloureux vous auront apporté la preuve de mon innocence. Faites que mon univers ne s'effondre pas, s'il vous plaît. Je vous supplie de rendre ma dignité d'homme pour les enfants et pour Susi »"[20].

Verdict

Il faut 10 voix sur 15 en faveur de la condamnation de Jacques Viguier pour qu'une peine soit prononcée. En revanche, l'acquittement l'emporte si six jurés en décident ainsi[21].

Le procès est très médiatisé. Largement couvert par la presse, il a attiré de plus en plus de curieux et de professionnels du droit et du théâtre : Serge Regourd, professeur de droit à l'Université des sciences sociales de Toulouse, ami de Jacques Viguier, attend, anxieux. Pour le dernier jour d'un procès exceptionnel, des avocats parisiens et toulousains sont venus soutenir leurs confrères : Me Simon Cohen, Me Thierry Herzog, l'avocat de Sarkozy dans le procès Clearstream, Me Sylvie Topaloff. L'écrivaine Yasmina Reza a fait le déplacement[22].

À l'issue de six heures et demie de délibérations, le verdict est : acquittement. Ensuite, Me Dupond-Moretti a déclaré : « Plus personne ne pourra maintenant suggérer sa culpabilité. Ce n'est pas une victoire de la défense, c'est une victoire de la justice ! »[23],[22].

« L'intime conviction judiciaire l'emporte sur l'intime conviction policière, et c'est un grand soulagement », déclare Me Laurent de Caunes, avocat de la mère de Susi, qui n'a pas cru à la culpabilité de son gendre[22].

Pourvoi en cassation

Immédiatement, Jacques Viguier craint que le parquet se pourvoie en cassation. « Dès qu'il y a une possibilité de recours, on redoute que ce recours soit fait »[24]. Toutefois, le procureur général auprès de la Cour d'appel de Toulouse, Patrice Davost, déclare renoncer à former un pourvoi en cassation : « Je n'envisage pas de pourvoi, la vérité judiciaire a été dite, tout a été exprimé, exposé. Les jurés ont déclaré l'intéressé non coupable après un deuxième procès, il n'y a pas de matière pour former un pourvoi en cassation (...) L'affaire Viguier est définitivement classée. »[25].

Subornation de témoin

9 mars 2010 : Olivier Durandet est interpellé à son domicile en fin de journée et entendu dans les locaux du commissariat d'Albi. Le premier accusateur de Jacques Viguier est placé en garde à vue dans la soirée « dans le cadre d'une enquête pour subornation de témoin »[26] et une baby-sitter, Séverine Lacoste, pour « faux témoignage ». Au cours de l'audience du procès en appel, celle-ci reconnait être allée deux jours après la disparition de Susi au domicile des Viguier en compagnie d'Olivier Durandet alors qu'elle a jusqu'ici toujours dit s'y être rendue « seule ». Elle précise que ce faux-témoignage lui a été demandé par Olivier Durandet[27].

25 mars 2010 : le procureur de la république d'Albi, Jean-Christophe Muller, a choisi d'infliger un rappel à la loi, déclarant que « Ce rappel à la loi n'est ni une condamnation, ni un classement sans suite, mais une mesure alternative aux poursuites qui me paraît la plus adaptée » ; quant au faux-témoignage attribué à Mme Lacoste, le procureur a considéré que « dans la mesure où le témoin s'est rétracté à l'audience l'infraction n'est pas constituée et les poursuites n'existent plus lorsque la personne reconnaît sa faute »[28].

Cette mesure de rappel à la loi provoque des réactions, notamment de la part de Dominique Labarrière, auteur d'un livre sur l'affaire[29] : Le comble est que finalement les charges contre le faux témoignage sont abandonnées, et que la subornation de témoins ne fait l'objet que d'un simple rappel à la loi[30].

Réparation

Jacques Viguier a déclaré à RTL, le 21 mars 2010 : « Une petite réparation matérielle me paraît normale »[31],[32].

Bibliographie

  • Stéphane Durand-Souffland, Disparition d'une femme. L'affaire Viguier, Éditions de l'Olivier, 2011
  • Dominique Labarrière, Contre enquête : l'affaire Viguier, La Table ronde, 2003
  • Dominique Labarrière, L'affaire Jacques Viguier : l'engrenage infernal, Alphée, 2010
  • Jacques Viguier, Innocent : dix ans de souffrances et de combat, préface de Denis Tillinac, Plon, 2010

Notes et références

  1. a, b, c et d Le Point du 24 mai 2007
  2. L'universitaire Jacques Viguier comparaît en appel pour le meurtre de son épouse, Le Monde.fr 11 mars 2010
  3. Le Figaro du 2 mars 2010, La loupe des assises, L'amant coucou
  4. Olivier Durandet révèle à Jacques Viguier qu'il est l'amant de Suzanne lors de la garde à vue. La Dépêche, 19 mai 2005
  5. Dossier : l'affaire Suzanne Viguier, de Pascal Michel, sur affairescriminelles.com
  6. Le père de Jacques Viguier met en doute les enquêteurs - Le Figaro 11 mars 2010
  7. Clémence, couchée aux côtés de sa mère dans le clic-clac. Le Monde 12 mars 2010
  8. Introduction d'Olivier Durandet chez les Viguier en compagnie de Séverine Lacoste, Baby-sister. Le Figaro, 17 mars 2010
  9. Découverte du portefeuille de Suzanne. Le Figaro, 17 mars 2010
  10. avocats des deux sœurs de Suzanne Viguier Nouvel Observateur, 21 mars 2010
  11. L'amant "compagnon" - Le Point 30 avril 2009
  12. Olivier Durandet, l'amant, résiste et accuse encore le mari La Dépêche 16 mars 2010
  13. le commissaire défend son enquête. Le Parisien, 17 mars 2010
  14. La Dépêche 4 décembre 2008
  15. Avocats de Jacques Viguier lors du premier procès
  16. historique de l'affaire Viguier sur Le Monde.fr
  17. a et b Le Figaro du 20 mars 2010
  18. Ni corps, ni preuve, ni aveux... Le Monde du 19 mars 2010
  19. Le Monde, Procès Viguier : Éric Dupond-Moretti plaide le doute - Blog de Pascale Robert-Diard, 20 mars 2010
  20. citation de Jacques Viguier avant les délibérés
  21. La croix du 20 mars 2010
  22. a, b et c La Dépêche, 21 mars 2010
  23. La Voix du Nord, 21 mars 2010
  24. Risque de pourvoi en cassation : Le Nouvel Observateur 21 mars 2010
  25. Le parquet n'ira pas en cassation, Le Monde, 21 mars 2010
  26. Article 434-15 du Code pénal français
  27. Olivier Durandet mis en cause pour subornation de témoin, L'Express, 10 mars 2010
  28. Rappel à la Loi pour Olivier Durandet. Le Figaro, 26 mars 2010
  29. L'affaire Jacques Viguier : l'engrenage infernal, Aujourd'hui Viguier, demain vous peut-être ? Edition Alphee, janvier 2010
  30. Ouest-France, Dominique Labarrière présente l'« Affaire Viguier », 16 avril 2010
  31. Demande de réparation Le Point du 21 mars 2010
  32. Acquitté, Jacques Viguier demande « réparation », Le Monde du 21 mars 2010

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