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Fumer en terrasse ? Ca va devenir compliqué…

Actualités du droit - Gilles Devers, 13/06/2013

Peut-on griller sa clope sur les terrasses des cafés et restaurants ?...

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286_001.jpgPeut-on griller sa clope sur les terrasses des cafés et restaurants ? C’est devenu la règle, mais ça va devenir moins facile. Hier, la Cour de cassation (Deuxième chambre, 13 juin 2013, n° 12-22.170, Publié) a réformé l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait donné le sourire aux fumeurs, et aux patrons de cafés.

Comme la police ne s’occupe pas des questions de santé publique, c’est une association, Droit des Non-Fumeurs, qui a fait le travail. En cause, l’une des nombreuses terrasses de Paris, qui par temps frais, sont couvertes et entièrement bâchées. Entièrement non ? On laisse un petit espace, histoire de dire que ce n’est pas un lieu fermé, pour échapper  la règle de l’interdiction.

Un vrai enjeu : l’interdiction de fumer dans les cafés date de 2006, et pour bichonner le client fumeur, les cafés ont multiplié par deux le nombre de terrasses. Selon Didier Chenet, président du Syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers traiteurs (Synhorcat), le chiffre d’affaires en terrasse représente désormais 30 % du total. Autant dire que l’arrêt de la Cour de cassation va faire en faire tousser plus d'un .

Que dit la loi ?

La base c’est article L. 3511-7 du Code de la Santé Publique : « Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs ».

Ce texte est précisé par l’article R. 3511-1 : « L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7 s'applique :

« 1° Dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ;

« 2° Dans les moyens de transport collectif ;

« 3° Dans les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l'accueil, à la formation ou à l'hébergement des mineurs ».photo-9fbe9185a91475a5336f3e1bd1ea4234.jpg

Tout se joue donc sur la notion de « lieux fermés et couverts ». Ces textes mal fichus avaient été suivis de deux circulaires, l'une du ministère de la Justice en date du 29 novembre 2006 plutôt stricte, l’autre du ministère de la Santé en 2008, plutôt cool. Alors, si le ministère de la Santé est cool, pourquoi la Cour d’appel de Paris ne le serait-elle pas ? 

Et bien notamment parce que les circulaires sont des notes internes, et qui ne sont pas opposables aux tiers. C’est du vent pour régler un problème de fumée.

La Cour de cassation a préféré du solide, et elle a interprété ce fumeux article R. 3511-1 du CSP au regard de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac du 21 mai 2003 ratifiée par la France le 19 octobre 2004, et spécialement de son article 8. La Cour ne s'est pas laissée enfumer.

Je trouve ça excellent. On connait par cœur la technique qui consiste à signer des traités beaux et généreux, pour faire les malins, puis à adopter des lois internes qui ressemblent à des pommes fripées. Alors, si une convention de l’OMS n’est pas applicable directement en droit interne, le juge doit se sert des conventions de l’OMS pour interpréter les lois bidon. Chères amies, chers amis, le droit de la santé vient de faire un grand pas en avant, grâce aux bistrotiers, que je remercie chaleureusement.

Alors, cet article 8 ?

Il traite de la protection contre l’exposition à la fumée du tabac.

« 1. Les Parties reconnaissent qu’il est clairement établi, sur des bases scientifiques, que l’exposition à la fumée du tabac entraîne la maladie, l’incapacité et la mort.

031[amolenuvolette.it]1956 gitanes caporal.jpg« 2. Chaque Partie adopte et applique, dans le domaine relevant de la compétence de l’Etat en vertu de la législation nationale, et encourage activement, dans les domaines où une autre compétence s’exerce, l’adoption et l’application des mesures législatives, exécutives, administratives et/ou autres mesures efficaces prévoyant une protection contre l’exposition à la fumée du tabac dans les lieux de travail intérieurs, les transports publics, les lieux publics intérieurs et, le cas échéant, d’autres lieux publics ».

C’est donc l’aliéna 1 « l’exposition à la fumée du tabac entraîne la maladie, l’incapacité et la mort » qui guide l’interprétation. Donc, pas cool. Tu n’es pas d’accord ? Eh bien, fallait pas ratifier la Convention.

Résultat ?

La Cour de cass’ explique : « La terrasse d’un établissement accueillant du public ne constitue pas un lieu fermé et couvert où s’impose l’interdiction totale de fumer, dès lors que close des trois côtés, elle n’a ni toit ni auvent, ou bien si, disposant d’un toit ou auvent, elle est intégralement ouverte en façade frontale ».

Et voilà le travail. L’Etat ratifie la convention en 2004 et se montre incapable de donner une définition claire, alors le juge fait le nécessaire.

La terrasse en cause était fermée sur ses trois côtés principaux, et munie seulement d’une aération partielle sous toiture, et comme telle, elle ne respectait pas l’article R. 3511-1 interprété au regarde de l’article 8 de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac.

Je sens que cet arrêt va faire un tabac...

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