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Le soin sans consentement n’existe pas

Actualités du droit - Gilles Devers, 29/04/2012

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Le projet de soin sans consentement de Sarko se scratche devant le Conseil constitutionnel (N° 2012-235 QPC du 20 avril 2012) et cette fois-ci, c’est le Gouvernement lui-même qui reconnait que c’était impossible. Un truc de fou… FTE_DE~1.JPG

Sarko pète les plombs

Décembre 2008. Après un fait divers, Sarko pète les plombs et annonce qu’il va réformer la psychiatrie. La psychiatrie ? Non, le régime des hospitalisations sous contrainte, soit moins de 10% du total de l’activité.

Sa grande invention, c’est le soin sans consentement. Quand un patient sort de l’hôpital, il ne pourra rester dehors que si on le soigne, même sans son consentement. Sinon, retour illico à l’hôpital à l’initiative du préfet. « Vu qu’ils ne veulent pas de faire soigner, et bien on va les soigner contre leur volonté ». Applaudissement chez les rats.

La loi a été votée le 5 juillet 2011, après de très vives contestations dans les milieux concernés, car l’idée de soins sans consentement est une aberration.  

Du point de vue des pratiques, d’abord

En cas de nécessité, on sait s’emparer de quelqu’un et lui administrer une injection. De même, lorsqu’une hospitalisation sous contrainte – donc le fait de maintenir une personne dans un hôpital psy – a été décidée,  on sait comment faire pour créer une relation de soin. C’est long, compliqué, mais on y arrive.

On sait aussi que, lorsque cette relation s’est établie, il faut lever la mesure de contrainte pour revenir vers la confiance, et aider le patient à affronter la maladie en retrouvant une autonomie.  

Mais que peut bien vouloir dire « soigner sans consentement ? » Comment conduire une action thérapeutique quand la personne ne le veut pas ?  Comment croire qu’on va obliger une personne à se soigner par ce qu’il y aura des rendez-vous obligatoires, ou la menace d’être ré-hospitalisé ? Comment imaginer que le médecin va devenir un thérapeute alors que le patient ne le considère pas comme tel ?  

Du point de vue juridique, aussi

La meilleure référence est l’article 16-3 du Code civil : « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ».

Dans son arrêt de principe du 9 octobre 2001, la Cour de cassation rappelle que le consentement trouve son fondement « dans l'exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ».0ffou.jpg

Même écho du coté de Strasbourg. Pour la CEDH, les soins sous contrainte sont une ingérence dans la vie privée, qui doit être fondée sur un besoin social impérieux (CEDH, Olsson, 24 mars 1988). La nécessité médicale doit être démontrée de manière convaincante (CEDH, Nevmerjitski, no 54825/00). Il faut déterminer si le patient a joué dans le processus décisionnel un rôle suffisamment important pour assurer la protection requise de ses intérêts (CEDH, Hatton, no 36022/97).

Qu’avait dit la loi ?

Il en était résulté un article très alambiqué, l’article L. 3211-2-11, 2° du Code de la santé publique. Selon ce texte, une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sous contrainte peut être prise en charge en hospitalisation complète ou, c’est le 2°, sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile.  

« Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2°, un programme de soins est établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce programme de soins ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient, afin de tenir compte de l'évolution de son état de santé.

« L'avis du patient est recueilli préalablement à la définition du programme de soins et avant toute modification de celui-ci, à l'occasion d'un entretien avec un psychiatre de l'établissement d'accueil au cours duquel il reçoit l'information prévue à l'article L. 3211-3 et est avisé des dispositions de l'article L. 3211-11.

 « Le programme de soins définit les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ».

Si quelqu’un a compris quelque chose, qu’il se fasse connaître… En tout cas, on est à des années lumière du discours simpliste de Sarko annonçant joyeusement « le soin sans consentement ». Comme une gêne ?

L’analyse du Conseil constitutionnelNueva imagen de mapa de bits.jpg

Le PS a fait semblant de protester pendant le vote de la loi, mais il n’a pas saisi le Conseil constitutionnel. C’est donc l’occasion d’une QPC greffée sur un décret d’application que l’affaire est venue devant le Conseil.

Lisons le Conseil constitutionnel.

« En permettant que des personnes qui ne sont pas prises en charge en « hospitalisation complète » soient soumises à une obligation de soins psychiatriques pouvant comporter, le cas échéant, des séjours en établissement, les dispositions de l'article L. 3211-2-1 n'autorisent pas l'exécution d'une telle obligation sous la contrainte.

« Ces personnes ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive ni être conduites ou maintenues de force pour accomplir les séjours en établissement prévus par le programme de soins.

« Aucune mesure de contrainte à l'égard d'une personne prise en charge dans les conditions prévues par le 2° de l'article L. 3211-2-1 ne peut être mise en œuvre sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète. »

Pour le Conseil, l’analyse de la loi montre qu’elle n’autorise pas les soins sans consentement à domicile : « Ces personnes ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive ». Donc, la question de l’atteinte aux libertés individuelles ne se pose pas. Circulez, il n’y a rien à voir.

Et le gag…

Le gag, c’est que le Conseil constitutionnel pour rendre sa décision a retenu… l’argumentation du gouvernement ! Hé oui, chères sœurs et chers frères, le gouvernement a reconnu devant le Conseil que soigner quelqu’un contre son consentement était illusoire et violait les principes du droit, et qu’il n’avait jamais entendu promouvoir une chose pareille. D’où la rédaction tordue de l’article L. 3211-2-11, 2°. Mort de rire…

Vraiment, ils vont nous manquer !

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